François-Xavier Demaison

Sa vie de comédien au cinéma (Coluche, Le Petit Nicolas, Comme des frères…) et d’humoriste sur scène a largement effacé son passé de fiscaliste à New York, qu’il quitte après le 11 septembre 2001. Comme un clin d’œil de la vie, on le retrouve quelques jours après s’être produit sur scène dans la Big Apple. Il est aussi trader dans L’Outsider, récit de la fuite en avant de Jérôme Kerviel porté à l’écran par Christophe Barratier. Rencontre.

Aude Bernard-Treille

Comment êtes-vous arrivé sur le film ?
Avec Christophe Barratier, nous avions très envie de travailler ensemble depuis longtemps. Enfin, il avait surtout envie de travailler avec moi… Je plaisante ! On s’apprécie beaucoup et je trouve que ses films ont du souffle et ce rôle de Fabien Keller, un banquier trader décomplexé, était assez jubilatoire.

Que pensiez-vous de ce milieu de la finance quand vous le côtoyiez ?
Il y a eu deux phases dans ma vie. Celle quand j’étais fiscaliste pour un cabinet à Paris et à New York et je n’imaginais pas à l’époque que j’allais en sortir.  Et celle où j’ai tourné la page, où j’ai pu avoir un recul et un regard que j’ai alors livrés dans mes spectacles à travers des personnages de trader et dans le film Moi, Michel G., milliardaire, maître du monde. On a forcément un regard critique sur la déconnexion de ce milieu avec la réalité. Quand j’y étais, j’avais vingt-cinq ans, l’idée n’était pas de « faire de l’oseille » mais tout simplement de gagner ma vie. J’avais fait Sciences Po, je venais de me marier, il fallait « bouffer » !

« Tu gagnes, je gagne » ou « Qui peut le plus peut encore plus »… À quel autre domaine pourraient correspondre aussi ces phrases de trader ?
C’est ce que pouvait dire le patron de Kerviel ! Dans le football, cela pourrait aussi fonctionner. C’est le paradoxe de pousser les limites mais de ne pas assumer ses responsabilités. Dans notre société, on pousse les gens à se dépasser, mais il n’y a rien pour celui qui reste sur le quai.

Pour quoi avez-vous pu être border line ou dépasser consciemment vos limites ?
Sur scène, on a un lâcher-prise total car c’est tellement extrême de se présenter seul devant mille personnes… C’est avec le dépassement de soi et la prise de risque qu’arrivent les belles choses, en général. C’est comme cela qu’on crée des opportunités, qu’on vit intensément et sans forcément dépasser les limites. On trouve une autre dimension, plus forte.

Êtes-vous du genre à prendre des risques ?
J’en prends tout le temps, même en dehors de la scène. Quand j’ai produit Mon maître d’école en mettant tout l’argent de ma boîte sur le film par exemple (on l’a financé sur nos fonds propres), cette histoire aurait pu mal se terminer. Mes coups de cœur me poussent à être border line, ça vaut aussi pour ma vie privée !

Quand votre adrénaline est-elle à son paroxysme ?
Sur scène. Rien ne remplacera la scène. J’ai joué à New York il y a quelques jours, j’avais cette impression de boucle qui se bouclait en y revenant avec cette nouvelle vie de comédien. Je n’ai pas joué depuis trois jours et ça me démange. À chaque fois que je joue, je me dis que je suis complètement cinglé ! La peur est un moteur, mais lorsqu’elle est dépassée, c’est jouissif.

Qu’auriez-vous pu faire de pas très légal juste pour la bonne cause ?
D’avouable, je vous dirais que j’ai grillé des feux pour que ma fille ne naisse pas dans la voiture !

Qu’est-ce que votre métier de comédien vous a permis d’apprendre sur vous ?
Je me découvre au sens propre comme au figuré. Si quelqu’un m’avait dit que je serais capable de jouer Coluche, je lui aurais ri au nez ! Et pourtant, c’est le travail d’acteur qui permet d’accéder à des choses intimes qu’on ignore. Aujourd’hui, je suis très heureux, très épanoui, comme si j’avais pété un plafond de verre. J’ai racheté le théâtre de l’Œuvre, j’enchaîne les films, tout est lié. Je m’apaise.

Jacques Perrin a accepté de produire L’Outsider, il y a vu une affaire humaine. C’est une manière de s’engager ?
Jacques Perrin a bâti comme cela sa carrière de producteur, en prenant des risques, comme quand il a produit Z de Costa-Gavras, c’était engagé. Il mouille sa chemise à chaque fois. C’est un artiste, y compris dans la production.

Qu’est-ce qui vous fait rire jaune dans le milieu du cinéma ?
Quand on vole un peu au secours de la victoire à chaque fois. Quand on veut reproduire ce qui a déjà marché. Alors que c’est en assumant ses coups de cœur que l’on arrive au succès. Lorsque le public voit que c’est sincère, il suit. Les Cht’is sont un bon exemple. Après Les Choristes, tout le monde voulait que les films se passent dans les années 1950, avec des culottes courtes. Et après Camping, tout le monde était en tongs et en maillot !

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