Jacques-Antoine Granjon

PDG et fondateur du groupe vente-privee.com, entrepreneur atypique.

Sophie d’Aulan

Premier job ?
J’ai démarré mon activité de soldeur à 22 ans et je n’ai jamais travaillé pour une autre entreprise.

Premier jour chez vente-privee.com ?
Après différentes tentatives digitales infructueuses, j’avais été marqué par l’opération lancée par Carrefour pour ses 50 ans : « 500 télés Sony à vendre demain à 99 francs et pas une de plus ! » J’ai dit à mes associés : « Nous devons faire des ventes flash sur Internet, on appellera ça “Flash Sales”. » C’est devenu vente-privee.com, un site de e-commerce sur lequel les stocks des marques sont vendus avec des prix très agressifs pour des raisons industrielles ou marketing, avec un soin tout particulier mis sur l’image, la mise en scène et le service.

Premier conseil, comment avez-vous pensé votre modèle ?
Une offre inférieure à la demande, des prix très agressifs justifiés par le besoin des marques de déstocker leurs fins de série et des ventes annoncées seulement vingt-quatre heures à l’avance pour des marques qui ne sont présentes en moyenne que deux fois par an. C’est basé sur la frustration, mais c’est un achat d’opportunité, d’impulsion, lié au désir, à la surprise quotidienne. C’est assez addictif.

Premier million gagné ?
Lorsque vous avez une entreprise, vous réinvestissez tout en permanence, c’est ce que j’ai sûrement fait avec mon premier million. En fait, on ne le voit pas, il est dans le fonds de roulement de la société.

Première fierté en tant qu’homme et patron ?
Lorsque je vais visiter nos entrepôts logistiques, notamment dans la Plaine de l’Ain, à proximité de Lyon, 64 % de femmes y travaillent. Nous avons aménagé leurs horaires. Elles avaient peu d’offres dans leur région. En travaillant à la logistique de vente-privee, elles deviennent plus autonomes tout en apportant un deuxième salaire dans le foyer.

Pourquoi installer vos bureaux à Saint-Denis ?
Le hasard. Nos locaux de grossistes en fins de série étaient dans une petite rue proche de République. Imaginez le matin les camions qui déchargeaient la marchandise en provenance de toute l’Europe ! Très vite, nous avons été débordés. Mon assistante de l’époque a trouvé des entrepôts Porte de la Chapelle, facile d’accès depuis République, les aéroports et l’ouest de Paris où j’habitais. Et puis on a suivi le mouvement : déménagement de nos bureaux à La Plaine Saint-Denis en 1994, achat des imprimeries du Monde en 1996, développement du programme immobilier autour de la croissance de vente-privee à partir de 2004. C’est un territoire assez fascinant, un mélange de diversité et de créativité. J’ai l’impression qu’il s’y prépare l’avenir. Nous nous y sentons bien. Et nous sommes fiers de le faire rayonner.

Premier gadin professionnel ?
C’est assez simple : à chaque fois que nous achetons un mauvais stock ou un stock trop cher, la conséquence est immédiate : perte financière. Ça forme. On apprend vite. On devient plus vigilant et rigoureux. Ce qui ne m’a pas empêché de me planter aux USA, malgré un désir d’entreprendre prometteur avec Kenneth Chenault, PDG d’American Express. On a perdu du temps, de l’argent, de l’énergie… C’est la vie. Nous avons appris de nos erreurs et nous nous sommes recentrés sur l’Europe avec le succès actuel.

Premier théâtre ?
Ce fut au hasard d’une rencontre avec Richard Caillat, devenu mon associé dans la production de théâtre. Très vite, je lui ai dit : « Si tu veux produire des pièces, il te faut un théâtre. » Et on a acheté le Théâtre de Paris. C’était une évidence pour moi. Sur mes motivations liées à vente-privee, c’est assez simple : le digital est sur les écrans, au bout de nos doigts. Nous nous sommes appropriés des territoires d’émotion dans la vie réelle : le rose des entrepôts, les sumos de David Mach sur le bord de l’autoroute, l’architecture, les investissements dans les start-up, une école digitale. Et les théâtres. Tout cela est très lié à l’art, à la culture plus généralement, et participe à enrichir notre marque en résonance avec des univers créatifs et émotionnels.

Première œuvre acquise ?
Je me souviens très bien d’un petit chien surréaliste, Sabouckhka, un peu burlesque, d’Igor Andreev, un peintre russe qui se balade encore dans Saint-Germain-des-Prés. J’avais à peine 25 ans et je me rappelle lui avoir laissé dix petits chèques. Le tableau est posé aujourd’hui dans la chambre d’un de mes fils.

Une citation préférée dans le business ?
« La roche Tarpéienne est proche du Capitole. » En bref, ce n’est jamais gagné. Et quand vous croyez que ça l’est, c’est de l’arrogance et les ennuis commencent.

Pour / contre 

L’anonymat des CV ?
Contre. Parce que je me fiche de la couleur des gens et de leur religion. On est comme on est, et tôt ou tard on sort de l’anonymat.

La candidature spontanée ?
Pour. Je les envoie à ma direction RH et je demande qu’on réponde systématiquement. C’est très lié au désir de ce que le candidat fait passer.

La publication des salaires des grands patrons ?
Cela dépend, lorsque l’entreprise est cotée, c’est normal que le salaire des managers soit officiel. Lorsqu’il s’agit de sa propre entreprise, c’est un choix de le partager ou non. Je n’ai pas de souci à le partager.

Les grandes écoles type ENA ?
Pour. Les critères de sélection mettent les gros cerveaux en valeur. Mais les travaux pratiques en entreprise leur feraient du bien.

Le tutoiement des collaborateurs ?
Cela dépend, dans le comité exécutif de vente-privee, il y en a que je tutoie et d’autres que je vouvoie. Question de feeling. Le vouvoiement est parfois bien pratique.

La voiture avec chauffeur ?
Pour. Parce que j’ai un chauffeur, cela me permet d’être moins stressé, de répondre à mes mails et même, parfois, de faire des micro-siestes.

Photo © Jean-François Robert.

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